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Une oeuvre de jeunesse

Evitons tout de suite les ambiguïtés : un livre de jeunesse n’est pas un livre écrit pour de jeunes lecteurs, mais par un auteur jeune. Moins de trente ans, avons-nous considéré.
Une oeuvre de jeunesse n’est pas forcément la plus aboutie, puisque l’auteur peut avoir encore des progrès à faire sur tel ou tel point. Mais selon les cas, cela peut s’avérer la plus réussie... Pour reprendre la formule de Mme Catalan, une oeuvre de jeunesse peut être une promesse (d’un talent qui s’affirmera de plus en plus dans d’autres livres), un projet (pour des intrigues ou des personnages qui seront repris dans d’autres livres, plus tard) ou encore une prouesse, c’est-à-dire une réussite absolue, d’autant plus étonnante et séduisante, pour nous lecteurs, qu’elle émane d’un auteur encore jeune. Lisez nos suggestions pour savoir dans quelle(s) catégorie(s) vous rangeriez les ouvrages suivants !
 No Home, de Yaa Gyasi, présente en parallèle l’histoire d’un enfant africain, au Ghana, considéré comme "maudit" car il est le seul survivant d’un incendie, et de l’histoire de membres de la même famille envoyés comme esclaves en Amérique. L’auteur a composé ce roman à 26 ans ; elle-même issue d’une famille ayant subi le déracinement de la traite vers l’Amérique, elle remonte grâce à la fiction vers ses racines, et embrasse les destins parallèles de plusieurs générations. Curieusement, le titre "français", si l’on peut dire, trahit allègrement le titre anglais qui est Going Home : renversement des perspectives...
 Christopher Paolini avait 15 ans quand il a commencé à écrire une tétralogie maintenant bien connue des adolescents (et pas seulement...) amateurs de Merveilleux héroïque. Le premier tome, Eragon, est paru alors que l’auteur avait 19 ans. Très inspirée par le Seigneur des anneaux, cette oeuvre n’en est pas moins très plaisante, si du moins on aime les elfes, les nains, et surtout les dragons !
 Notre gloire nationale, Victor Hugo, avant sa fameuse barbe blanche, fut aussi jeune homme, et jeune homme assez fougueux pour parier avec quelques amis, en 1818 (il a 16 ans) qu’en deux semaines, il est possible d’écrire un roman. Ce qu’il fit magistralement (mais pas les autres) avec Bug-Jargal, une aventure étonnante située au moment de violentes révoltes des esclaves à Saint-Domingue, actuelle Haïti. La colonie gagna son indépendance en 1825, donc après l’écriture du roman de Hugo (qui parut pour la première fois en livre en 1826). Roman "révolutionnaire" à plus d’un titre, puisque son héros est un esclave, que le cadre en est une révolte, que la date est 1791 ; roman où maints thèmes hugoliens se trouvent déjà posés : l’interrogation sur la difformité et la beauté, l’héroïsme du sacrifice, l’amour aussi puisque Bug Jargal, esclave (mais prince) est amoureux de la fille de son propriétaire blanc, le conflit entre Bien et Mal... De plus c’est une aventure sans digressions et sans descriptions, plus facile à lire que les grands romans de la maturité.
 Comment ne pas évoquer Arthur Rimbaud, un des plus grands poètes de la langue française, mais aussi l’un des plus jeunes et des plus éphémères. Sa vie incroyable mérite d’être connue : poète dès 15 ans, fugueur à 16, accueilli avec admiration par les cercles poétiques parisiens dès cette époque, ami puis amant de Verlaine, il abandonne définitivement la poésie à 21 ans. Sa vie est alors une suite de voyages. Il est mercenaire, interprète, chef de chantier, trafiquant d’armes. Il va en Europe, en Egypte, à Chypre, en Ethiopie, pour mourir à 37 ans, à Marseille, rapatrié à cause d’une gangrène à la jambe qui lui a valu une amputation. Ses poèmes, rassemblés dans Le Cahiers de Douai ou Une saison en Enfer, sont saisissants.

La seamen prochaine nous parlerons de livres comiques. A vos bibliothèques !