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La guerre !

Pourquoi parler de la guerre ? Expérience extrême, voire traumatisante, inhumaine en un sens, la guerre ne peut manquer d’attirer les auteurs. Nous avons été frappés par la grande variété des regards possibles sur la guerre, même en nous en tenant à la définition stricte d’un affrontement entre deux armées (et non simplement entre deux groupes ou individus). Soit pour témoigner et raconter ainsi l’Histoire, soit pour opposer, dans des guerres fictives, deux camps et joindre ainsi l’antagonisme inhérent à toute quête, à l’antagonisme inhérent à la guerre, soit pour explorer les réactions et les affects de l’individu qui s’y trouve plongé, soit encore pour raconter le quotidien bouleversé de ceux qui restent à l’arrière, les oeuvres sont nombreuses à prendre la guerre pour toile de fond ou pour point d’orgue, à la dénoncer ou à l’exalter.
Nous avons évoqué plus d’une fois La Voleuse de livres de Markus Zusak : l’histoire, racontée par rien moins que la Mort elle-même, d’une jeune orpheline allemande accueillie dans une famille et dans une école pendant la seconde guerre mondiale. Liesel ne sait pas lire, mais un jour, alors qu’elle vit une tragédie, elle vole un livre qu’elle conserve en signe d’une immense douleur. La guerre, ici, c’est un quotidien bouleversé, qui n’empêche pas les enfants d’avoir des rêves et des amitiés, mais se heurte bien souvent à la narratrice... la Mort.
Inconnu à cette adresse, nouvelle de Kressmann Taylor (de son prénom Kathrine, mais les éditeurs décidèrent qu’il valait mieux la faire passer pour un homme...) est un roman épistolaire, c’est-à-dire par lettres. Deux amis s’écrivent : l’un, d’origine juive, a quitté l’Allemagne pour les Etats-Unis ; l’autre est demeuré en Allemagne et se voit peu à peu séduit par le discours d’un certain Hitler. Entre les lettres arrivent des événements internationaux ou familiaux bouleversants que l’on devine... On traduirait aujourd’hui le titre par "NPAI", "N’habite Pas à L’Adresse Indiquée".
Plusieurs d’entre nous ont pensé à la Bataille des Cinq Armées qui clôt l’histoire du Hobbit de J. R. Tolkien : elfes, gobelins, wargs, nains et hommes, il ne s’agit bien sûr pas d’une guerre historique, et pourtant elle est bien connue ! La victoire revient, in extremis et grâce à l’intervention des aigles, aux nains alliés avec les hommes et les elfes. De quoi affaiblir un moment le redoutable Sauron, qui convoite l’omnipotence, mais aussi de quoi rendre encore plus irréconciliables certaines races entre elles. Le Seigneur des Anneaux verra aussi la quête de la "Compagnie" aller vers un affrontement immense entre les partisans ou les esclaves de Sauron, et les forces des elfes, des nains et des hommes. Les considérations de stratégie, mais aussi les sacrifices personnels, tiennent une grande place.
C’est un peu la même chose, à bien moindre échelle, dans la bataille finale de Harry Potter.
Le Journal d’Anne Frank ne pouvait manquer de figurer dans notre recension et pourtant les combats n’y sont que peu décrits, sauf les bombes tombant sur Amsterdam : Anne vit cachée avec sa famille, pour échapper à la déportation en camp qui menace tous les juifs dans un pays occupé très tôt par Hitler. La vie clandestine, la peur, les restrictions de toute sorte, c’est aussi cela la guerre.
Le quotidien de la guerre : il est évoqué dans Paroles de Poilus, ce recueil de lettres écrites par les soldats de 14-18 à leurs familles, à leurs bonnes amies. On y trouve des descriptions de leurs conditions de vie au front, des sentiments, des réactions. Difficile de faire plus "vrai".
Un grand poète, Guillaume Apollinaire, né Polonais, devenu Français, a vécu la première guerre mondiale : il a écrit des lettres bien particulières puisqu’il s’agit de poèmes, adressés qui plus est à sa bien-aimée "Lou", qui ne l’aimait pas tant que cela... Tant pis, il se confie à elle, lui raconte la peur, l’attente, exprime son amour qui lui permet de tenir le coup, et mêle les images d’amour aux images de guerre : "je veux te sculpter une bague très pure/ dans un métal d’effroi" (Lettres à Lou).
Terminons pas le commencement... la première grande guerre de la littérature occidentale, celle de Troie, racontée par Homère dans l’Iliade : les Grecs menés par Agamemnon viennent venger l’enlèvement de la grecque Hélène, enlevée par le Troyen Pâris. Achille, le meilleur guerrier grec, fait face à Hector, le champion des Troyens ; les déesses Héra et Athéna luttent pour les Grecs contre Aphrodite ; Arès a aussi choisi Troie mais Poséidon soutient les Grecs ; deux civilisations, enfin, s’affrontent, et si retrouver la vraie "Troie" est si difficile, c’est en partie parce que l’extermination a été totale. A lire ou à relire absolument, au moins sous forme abrégée !