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Le roman policier

Le roman policier est un genre qui a toujours beaucoup de succès. On se demande comment faisaient les lecteurs avant le XIXe siècle ! Ce type de livre est en effet une invention relativement récente... Son attrait tient avant tout au mystère et à la surprise qu’il ménage : une information (en général l’identité du tueur) est tenue secrète, et le lecteur prend plaisir à repérer les indices semés dans le récit pour se faire lui-même enquêteur. Parfois, ces petits détails révélateurs sont si artistement disposés que l’envie nous prend de relire le livre pour bien retrouver ce que nous n’avions pas vu. L’autre ressort du roman policier est le suspense : non seulement " qu’est-il arrivé ? " mais aussi : " que va-t-il arriver ? " au fin limier chargé de l’enquête, à la victime, à d’autres personnages potentiellement en danger, par exemple. Dernier motif qui séduit le lecteur : l’usage d’un décor historique plus ou moins marqué, plus ou moins détaillé, mais qui nous dépayse. D’une série policière à l’autre on peut ainsi fréquenter l’Angleterre médiévale, le Paris du XVIIIe siècle, la Chine du VIIe, la Grève antique...
Le roman policier a bien évolué en 150 ans. Traditionnellement centré sur la résolution habile et surprenante du mystère, il s’intéresse de plus en plus à la personnalité du détective, ou à celle de la victime. Nombreux sont désormais les enquêteurs déprimés, voire dépressifs, solitaires, parfois asociaux, cachant eux-mêmes un secret ou supportant difficilement l’exercice de leur profession. Le fringant Hercule Poirot ne reconnaitrait pas ses frères cadets !
Mme Catalan a lu pour nous le "premier" roman policier : l’Affaire Lerouge, d’Emile Gaboriau, parut en 1865, en feuilleton. Si le détective naît à cette époque, c’est que la Révolution industrielle offre de plus en plus de moyens techniques de résoudre les crimes. La " Sûreté ", c’est le nom qu’on donne parfois aux services policiers chargés des enquêtes les plus difficiles, a à sa disposition des analyses chimiques, anatomiques, puis les empreintes digitales à la fin du siècle, qui révolutionnent aussi ce domaine. De grandes figures historiques de policiers entrent en outre dans la légende, telles Vidocq, cet ancien forçat, évadé, si bien passé au service de l’Etat qu’il devint chef de la Sûreté...
Corinne Lerouge, la victime qui donne son nom au roman de Gaboriau, n’avait apparemment aucune raison de rencontrer une mort violente : sa vie était sans histoire.. du moins c’est ce que croient d’abord la police et le juge d’instruction. Un détective amateur, surnommé Tire-au-Clair, va découvrir qu’elle avait eu un fils d’une liaison adultère, et surtout que cet enfant avait été échangé avec son frère légitime par leur père, un noble qui mentait une double vie. Interrogatoires, pièces à convictions, indices, beaucoup d’éléments typiques du genre sont déjà présents dans l’Affaire Lerouge.
Nous ne pouvions pas ne pas évoquer Agatha Christie, que certains de nos jeunes lecteurs adorent ! Le Crime de l’Orient-Express, Le Meurtre de Roger Ackroyd et Dix Petits Nègres sont des romans d’une habileté machiavélique, où ce grand auteur anglais joue avec son lecteur. Il serait dommage de les raconter. précisons seulement que dans Dix Petits Nègres, dix personnages sans aucun rapport apparent se retrouvent sur une île, en vacances. Paradisiaque ? Jusqu’au moment où adviennent des crimes, qui illustrent de manière macabre la comptine anglaise éponyme.
Autre incontournable, lui aussi britannique : Arthur Conan Doyle et son Sherlock Holmes, facile à lire en ce qu’il s’agit de nouvelles, bourrées d’indices qui devraient nous mettre sur la voie ! Un grand classique du genre, et qui, contrairement à Poirot, a inspiré un très grand nombre de livres (transpositions pour la jeunesse, apparition de Sherlock dans les livres d’autres romanciers, continuations...).
Le Noir qui infiltra le Ku Klux Klan, de Ron Stallworth, est à la fois une enquête et une histoire vraie : l’autobiographie d’un policier noir qui a réussi, contre toute attente, à se faire accepter dans l’organisation xénophobe américaine, dans les années 1970. Il en a été tiré un film sorti cet été. Pas de crime à résoudre, mais des informations à récolter sur un groupement qui se protège et opère dans la clandestinité ; et surtout, le suspense de savoir comment Ron Stallworth réussit à entrer... et à sortir du Ku Klux Klan local.
Caïus et le Gladiateur, de Harry Winterfeld, la suite de L’Affaire Caïus que beaucoup d’élèves ont lue en 6e, joue sur l’effet de dépaysement dont nous avons déjà parlé : une petite bande d’écoliers de la Rome antique doit résoudre des crimes qui ne sont pas des meurtres mais les entraînent au contact d’individus peu recommandables et leur font courir des dangers, autant que réfléchir ! On aime les codes proposés, comme des devinettes.
Avec Stasi Block, David Young a choisi de donner une idée de la vie quotidienne en RDA dans les années 1970. La police n’a pas les mains libres, et l’enquêtrice, elle-même tourmentée par un passé compliqué, doit composer avec les impératifs obscurs et parfois malintentionnés de la Police politique qui supervise tout, surtout à Halle-Neustadt (Halle " Ville Nouvelle "), aux imposants immeubles uniformes et géométriques, censée incarner la réussite matérielle du pays.
Les Enquêtes de Logicielle de Christian Grenier mettent en scène une policière du XXe siècle, mais elle est spécialiste, comme son surnom l’indique, en informatique : tous les crimes qu’elle est appelée à résoudre ont partie liée avec des ordinateurs. Tuer à distance, apparemment, c’est possible ! Le premier de la série (Coup de Théâtre) est une pièce de théâtre. Tous ces livres sont accessibles au collégiens !
Stephen King, le maître de l’angoisse, ne dissimule rien de son tueur : nous le connaissons d’emblée dans Mr Mercedes. Le suspense tient à la narration alternée entre des chapitres où le lecteur suit le tueur, et ceux où il suit le policier à la retraite, hanté par cette vieille histoire non résolue, qui enquête à nouveau sur le tueur à la Mercedes. On en vient à comprendre le tueur, sinon à sympathiser avec lui. Inquiétant à souhait, mais aussi très sanglant !
Même ambiance angoissante dans Colorado Train, de Thibault Vermot, une trouvaille de cette année : dans une petite ville perdue des Etats Unis, une bande d’enfants découvre avec curiosité et soulagement que le malabar et harceleur du coin a disparu. Mais l’effroi s’installe le jour où l’on retrouve son bras, déchiqueté comme par des dents. Le mal rôde, et ce mal parle au lecteur, en une sorte de voix off. Mieux vaut garder la lumière allumée pour s’endormir !
Chapitre XIII : "enfin un vrai thriller sur scène" disait la publicité de cette pièce de théâtre de Sébastien Azzopardi et Sacha Danino donnée cet automne à Paris. Attention, âmes sensibles s’abstenir, c’est vraiment sanguinolent ! Un romancier s’installe dans un monastère pour écrire un roman policier dont le héros sera un prêtre qui cherche à éliminer l’un après l’autre tous les moines : mais voilà, aussitôt qu’il a écrit un chapitre... ce qu’il a inventé se réalise "pour de vrai" (enfin, sur scène) !