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Un livre sur une oeuvre d’art

Un art, la littérature, peut interroger d’autres formes d’art, et notamment la peinture, mais aussi la sculpture ou la musique. C’est l’occasion de réfléchir sur ce qu’est la création, de jouer parfois avec le lecteur, de mettre en oeuvre le pouvoir évocateur des mots auxquels revient la tâche d’évoquer un objet à l’esprit du lecteur. De genres et de siècles très différents, nous avons rencontré de nombreux livres qui parlent d’art.
Souvent étudiée au collège, La Vénus d’Ille, de Prosper Mérimée, entretient le mystère autour de l’oeuvre éponyme : une statue romaine de Vénus, qui pourrait bien être la déesse elle-même - et une déesse en colère ! Nous sommes dans le fantastique, c’est-à-dire qu’on ne sait si la Vénus est bien ce qu’elle paraît être.
Dans un roman contemporain, Les Onze, de Pierre Michon, un grand tableau nous est décrit : il représente onze membres du Comité de Salut Public établi en France en 1793, au moment où les divers "comités" qui gèrent le pays sous la Convention se trouvent dépassés par les événements, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur. Robespierre, Saint-Just, et d’autres moins connus, posent pour François-Elie Corentin, "le Tiepolo de la Terreur", dont nous parle l’auteur tout autant qu’il nous parle des membres du terrible Comité. Tant et si bien que le livre refermé, le lecteur n’a de cesse d’aller au Louvre voir le fameux tableau ! Une surprise l’attend car Pierre Michon a entièrement inventé ce tableau, que pourtant on croit voir, et son peintre, ont pourtant on jurerait avoir toujours entendu parler... Le tableau, c’est le livre.
Le Tableau du peintre flamand, d’Arturo Pérez Reverte, mêle aussi description minutieuse d’une oeuvre, et secret, comme c’est finalement souvent le cas. Le secret, ici, est dangereux malgré l’apparence anodine du tableau du XVe siècle qui représente une partie d’échecs. Sans la nécessité de le restaurer, nul n’aurait découvert l’inscription latine (Quis necavait equitum ? : qui a tué le cavalier ?) sous une couche de peinture. Nul n’aurait non plus fait le rapprochement entre cette question et la mort, survenue peu avant la réalisation du tableau, d’un des joueurs d’échecs, qui se trouve être... un chevalier. La restauratrice de l’oeuvre ferait bien de se méfier...
Autre oeuvre récente, une pièce de théâtre dont nous avons déjà parlé car elle tourne autour de l’amitié : une amitié ancienne et solide entre trois hommes, mise à mal par l’achat d’un tableau. Il s’agit d’un grand tableau d’art contemporain, entièrement blanc avec trois liserés blancs... l’un des trois amis l’a acheté fort cher et en est plus que fier. Les 2 autres personnages de Art, de Yasmina Reza, ne sont pas enthousiasmés, et peu à peu ils vont se dire leur quatre vérités.
Le Portrait de Dorian Gray est un grand roman anglais du XIXe, le seul roman d’un auteur célèbre par ailleurs pour ses pièces de théâtre, mais aussi pour son esprit et son excentricité, Oscar Wilde. Le héros est un jeune homme d’une beauté extraordinaire. Au début du roman il est naïf et ne se rend pas compte de l’effet qu’il a sur les autres. Sa beauté lui est révélée en quelque sorte par un peintre, qui fait son portrait : un vrai chef d’oeuvre, devant lequel Dorian se prend à regretter de devoir vieillir, et à souhaiter que le portrait puisse vieillir à sa place. Son souhait, pour son malheur est exaucé : le portrait se met à vieillir alors que Dorian reste jeune. Qui plus est, c’est le portrait qui porte les marques des actes de plus en plus atroces que se met à commettre Dorian, à la fois sou l’influence d’un jeune noble cynique, par paresse, par égoïsme, et par plaisir d’être au-dessus des lois. Ce très beau roman est toutefois très violent dans son genre, et n’est pas forcément à lire tout de suite !
Comment Wang-Fo fut sauvé est une nouvelle de Marguerite Yourcenar, très facile à lire (on l’étudie parfois en CM2 ou 6e) et très belle. Wang-Fo est un vieux peintre célèbre, qui vit pourtant pauvrement avec son disciple et échange ses dessins contre de la nourriture. Un jour l’empereur de Chine le fait appeler : Wang-Fo dessine si bien que ce jeune prince, qui a grandi entouré des oeuvres du peintre, déteste le monde, car celui-ci est bien moins beau que ce que montre Wang-Fo. Il a donc décidé de le faire mourir... mais pas avant que le peintre ne termine un tableau inachevé. C’est alors que la magie de l’art entre en scène.
Autres nouvelles, cette fois de Balzac : Sarrasine et Le Chef d’Oeuvre inconnu. Dans la première, la figure d’un vieillard difforme frappe le narrateur lors d’une fête somptueuse donnée chez une famille italienne richissime mais mystérieuse. On remonte alors dans le temps, presque un siècle plus tôt, lorsqu’un jeune sculpteur français, Sarrasine, passe un an en Italie. Il tombe fou amoureux d’une cantatrice dont il veut faire à la fois son amante et son chef d’oeuvre. Il ne sait pas hélas que les femmes ne montent pas sur scène en Italie : les voix hautes sont chantées par des castrats, des jeunes gens castrés dans l’espoir d’une telle carrière. Sa déception et sa honte seront immenses !
La seconde de ces nouvelles se passe au XVIIe siècle. Un grand peintre travaille depuis 10 ans à un chef d’oeuvre que nul n’a vu. Il désespère cependant de trouver un modèle féminin à la hauteur de son entreprise. La jeune maîtresse d’un de ses élèves le lui fournit et le tableau est achevé. Mais une fois dévoilé, le chef d’oeuvre inconnu frappe de surprise tous ceux qui le voient...
Figures infernales (1918), de Ryunosuke Akutagawa, met, dans on genre, aussi mal à l’aise que Le Portrait de Dorian Gray, et parle aussi du mal, mais cette fois-ci plus spécifiquement de l’enfer puisque tel est le sujet de la commande qui a été passée au grand peintre japonais Yoshihide. L’art de ce dernier est extraordinairement réaliste : il cherche donc le plus possible à voir ce qu’il doit représenter. Son désir de perfection s’avère fatal.
Pas sur la neige, de Jean-Michel Maulpoix, nous offre une méditation paisible dans ce parcours finalement très sombre offert par les oeuvres d’art en littérature ! Le titre de ce recueil de poèmes en prose est repris d’un Prélude de Debussy.
Terminons par un dessin animé français justement nommé Le Tableau, de Jean-François Laguionie, paru en 2011. Les héros sont les personnages d’un tableau inachevé. Selon leur degré d’inachèvement, les personnages s’allient ou se font la guerre. Pour mettre fin à cette situation, il faut partir à la recherche du peintre.